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Dossiers : 2008-2448(IT)G

2008-2449(GST)G

ENTRE :

DALE RANDALL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Requête entendue le 4 novembre 2008, à Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L’honorable juge Valerie Miller

Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée :

Me Nadine Taylor Pickering

____________________________________________________________________

JUGEMENT

La requête visant à faire annuler l’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en application de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard de l’année d’imposition 2005 est rejetée;

La requête visant à faire annuler l’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en application de la Loi sur la taxe d’accise est rejetée;

La requête en radiation est accueillie et les appels portant les numéros de dossier 2008-2449(GST)G et 2008-2448(IT)G sont rejetés conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

Des dépens de 820 $ sont accordés à l’intimée.

 

 

 

         Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2008.

 

 

« V. A. Miller »

Juge V. A. Miller

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de juin 2009.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


 

 

Référence : 2008CCI621

Date : 20081114

Dossiers : 2008-2448(IT)G

2008-2449(GST)G

ENTRE :

DALE RANDALL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge V. A. Miller

[1]              Par ces requêtes, l’intimée cherche à obtenir des ordonnances visant à faire annuler l’appel en matière de TPS et l’appel en matière d’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2005 en partant du principe que l’appelant n’a pas présenté d’avis d’opposition pour les appels en cause. Subsidiairement, l’intimée demande des ordonnances visant à radier les deux avis d’appel en application de l’alinéa 58(1)b) et de l’article 53 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »).

 

REQUÊTE EN ANNULATION

 

a) Appel en matière de TPS

 

[2]              Pour appuyer sa requête visant à faire annuler l’appel en matière de TPS, l’intimée s’est fondée sur le témoignage par affidavit de Vincent Ting, un agent des litiges à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »). M. Ting a affirmé que le 21 mars 2007, une cotisation de TPS s’élevant à 9 456,39 $, plus les pénalités et l’intérêt, a été établie à l’égard de l’appelant pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005. L’ARC a reçu une lettre le 18 juin 2007 de la part de l’appelant dans laquelle ce dernier demandait des renseignements concernant la remise en vigueur de son numéro de TPS. L’ARC a conclu que cette lettre ne constituait pas un avis d’opposition. L’appelant a envoyé une autre lettre à l’ARC, celle‑ci datée du 27 décembre 2007, dans laquelle il mentionnait une prétendue erreur de comptabilité faite par l’ARC. Dans cette lettre, il n’était pas question de TPS. L’ARC a donc conclu que cette lettre ne constituait pas non plus un avis d’opposition. Les deux lettres en question ont été annexées comme pièces à l’affidavit.

 

[3]              L’intimée fait valoir qu’aucune de ces lettres ne répondait aux critères énoncés à l’article 301 de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »). Aucune des deux lettres ne renvoie au fait que l’appelant s’oppose au montant de la cotisation établie à son égard en application de la LTA. Les parties de l’article 301 qui s’appliquent en l’espèce sont rédigées en ces termes :

 

(1.1) Opposition à la cotisation La personne qui fait opposition à la cotisation établie à son égard peut, dans les 90 jours suivant le jour où l’avis de cotisation lui est envoyé, présenter au ministre un avis d’opposition, en la forme et selon les modalités déterminées par celui‑ci, exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents.

                                    […]     

                                   

(2) Acceptation de l’opposition Le ministre peut accepter l’avis d’opposition qui n’a pas été produit selon les modalités qu’il détermine.

 

[4]              Si un avis d’opposition valide avait bel et bien été produit, il s’agirait alors de la lettre reçue le 18 juin, étant donné qu’elle a été envoyée au ministre dans les 90 jours suivant le jour où l’avis de cotisation a été envoyé. Je souligne qu’il n’existe pas de forme déterminée pour la production d’un avis d’opposition, comme le laisse entendre le paragraphe 301(1.1). La signature au bas de la lettre est un numéro d’assurance sociale. Dans la lettre, il est question de l’ARC, qui aurait fondé sa décision sur de l’information concernant un [traduction] « être humain, Dale Randall ». L’état des résultats a été annexé à la lettre envoyée à l’ARC mais n’a pas été annexé à la pièce de l’affidavit.

 

[5]              L’appelant a affirmé que ses lettres constituaient des avis d’opposition valides. Il se fonde sur la décision du juge Sobier dans Wichartz v. Canada[1] pour affirmer que l’ARC a adopté une politique selon laquelle le seul fait de mentionner l’intention de contester une cotisation constitue une opposition valide.

 

[6]              De toute évidence, l’ARC n’a pas adopté une telle politique et la lettre de l’appelant n’a pas été acceptée comme avis d’opposition valide. Dans la décision Wichartz, l’appelante avait envoyé une lettre que Revenu Canada n’a pas acceptée comme avis d’opposition. Le juge Sobier a conclu que, dans la lettre, l’appelante s’opposait aux pénalités et aux intérêts qui lui avaient été imposés. Il a rejeté la requête en annulation de l’intimée.

 

[7]              Les faits en l’espèce sont semblables aux faits dans la décision Wichartz, car la lettre datée du 18 juin est une plainte concernant les mesures prises par les fonctionnaires de l’ARC. Toutefois, à la lecture de la première lettre, il est clair que l’appelant s’oppose au fait qu’on l’ait réinscrit à la TPS et qu’on ait établi une cotisation de TPS à son égard. L’appelant n’a peut-être pas exposé les motifs de son opposition en ce qui concerne le montant de la cotisation, mais le contribuable n’est pas tenu d’être aussi précis dans son avis d’opposition[2] que dans l’avis d’appel qu’il dépose à la Cour canadienne de l’impôt. En l’espèce, l’appelant a écrit une lettre à l’ARC dans laquelle il remettait en question l’établissement de la cotisation[3]. À mon avis, il a bel et bien présenté un avis d’opposition valide concernant la cotisation de TPS établie à son égard.

 

[8]              La requête en annulation de l’appel en matière de TPS est rejetée.

 

b) Appel en matière d’impôt sur le revenu – année d’imposition 2005

 

[9]              Pour appuyer sa requête visant à faire annuler l’appel en matière d’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2005 (l’« appel de 2005 »), l’intimée s’est fondée sur le témoignage par affidavit d’Azmina Hirji, un agent des litiges à l’ARC. M. Hirji a affirmé que le 10 mai 2007, le ministre a établi une cotisation portant qu’aucun impôt n’était payable à l’égard de l’appelant pour l’année d’imposition 2005. Le 20 novembre 2007, une nouvelle cotisation d’impôt fédéral pour l’année d’imposition 2005 a été établie à l’égard de l’appelant, comprenant des intérêts, une pénalité pour faute lourde et une pénalité pour production tardive. L’ARC a reçu une lettre de la part de l’appelant le 28 décembre 2007. Dans sa lettre, l’appelant a affirmé s’opposer à une cotisation. Il n’est cependant pas clair s’il s’oppose à la cotisation établie en application de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») ou bien en application de la LTA. L’ARC a conclu que cette lettre ne constituait pas un avis d’opposition à la nouvelle cotisation concernant l’année d’imposition 2005. Le 11 février 2008, l’ARC a reçu une autre lettre de la part de l’appelant dans laquelle celui‑ci a affirmé qu’il pensait s’être bel et bien opposé aux cotisations concernant les trois années en cause, soit 2003, 2004 et 2005. La lettre n’a pas été reconnue comme un avis d’opposition. Bob Primeau, un agent des appels à l’ARC, a envoyé une lettre à l’appelant le 15 février 2008 l’avisant que l’ARC n’étudiait aucune opposition qui aurait pu être formulée concernant son année d’imposition 2005. M. Primeau a cependant confirmé que l’appelant avait présenté des avis d’opposition valides concernant ses années d’imposition 2003 et 2004.

 

[10]         J’ai examiné la lettre de l’appelant reçue par l’ARC le 11 février 2008. Elle a été présentée dans le délai de 90 jours prévu au paragraphe 165(1) de la LIR et elle énonce clairement que l’appelant conteste la cotisation. La requête en annulation de l’appel concernant l’année d’imposition 2005 est rejetée.

 

REQUÊTE EN RADIATION

 

[11]         Les motifs de la requête en radiation des avis d’appel sont les suivants :

 

a)     ils n’énoncent pas de motif raisonnable justifiant un appel étant donné qu’ils ne remettent pas en question l’exactitude des cotisations quant à la LTA et la LIR;

b)    ils sont scandaleux, frivoles ou vexatoires ou constituent un recours abusif;

c)     les faits qui y sont allégués ne sont pas pertinents;

d)    l’appelant ne peut pas obtenir réparation dans son appel en fonction des allégations énoncées dans les avis d’appel;

e)     il est évident et manifeste que les appels ne peuvent pas être accueillis tels qu’ils sont présentés;

f)      les avis d’appel sont tellement irréguliers qu’ils ne pourraient pas être rectifiés par une simple modification.

 

[12]         Dans l’intitulé sur ses avis d’appel, l’appelant a désigné son numéro d’assurance sociale (le « NAS ») comme « appelant » et s’est désigné lui‑même comme « intervenant ». Dans ses avis d’appel, l’appelant prétend qu’il existait un contrat de louage entre lui, à titre d’intervenant, et le NAS, à titre d’appelant, et qu’il était le représentant du NAS. Il soutient qu’en 2003, en 2004 et en 2005, le NAS n’a [traduction] « mené aucune activité économique pour gagner de l’argent, même s’il était toujours tenu, selon le contrat, de fournir une rémunération à l’intervenant pour ses services à titre de scribe ». L’appelant renvoie ensuite à des parties du rapport du vérificateur. Il se plaint que la remise en vigueur de son compte de TPS n’a pas été autorisée par le NAS et que son NAS n’était pas lié au compte bancaire où, selon les conclusions du ministre, les dépôts étaient effectués. Les mêmes faits sont énoncés dans les deux avis d’appel. Dans la dernière partie de chacun des avis d’appel, l’appelant se plaint des mesures prises par l’ARC.

 

[13]         Les questions soulevées dans l’avis d’appel concernant l’impôt sur le revenu sont les suivantes :

 

a)     si le « droit de nécessité » s’applique;

 

b)    si la Cour canadienne de l’impôt a compétence pour entendre l’appel ou s’il devrait être entendu par un tribunal anglo‑saxon de common law, pour ne pas violer les droits de l’intervenant;

 

c)     si l’appelant est la propriété du gouvernement du Canada;

 

d)    si le gouvernement du Canada peut imposer directement l’appelant ou l’intervenant;

 

e)     si l’appelant a une liberté contractuelle;

 

f)      si l’Agence du revenu du Canada a commis l’actus reus et le mens rea dans la façon dont elle a établi la cotisation ou la nouvelle cotisation;

 

g)     si l’Agence du revenu du Canada peut recourir à une défense de [traduction] « croyance sincère, mais erronée, étant donné qu’elle n’a pas pris les dispositions nécessaires afin de confirmer le consentement de la victime »;

 

h)     si l’Agence du revenu du Canada peut imposer la jonction de l’appelant et de l’intervenant;

 

i)       si l’Agence du revenu du Canada s’est servie du droit civil pour vexer de façon malicieuse l’appelant ou l’intervenant;

 

j)       si l’Agence du revenu du Canada s’est servie du droit civil pour diffamer le nom de l’intervenant;

 

k)     si l’Agence du revenu du Canada s’est servie du droit civil pour causer un préjudice à l’intervenant, notamment en entravant sa capacité de mener ses affaires financières;

 

l)       si la rémunération payée à l’intervenant par l’appelant en application d’un contrat constitue une dépense légitime;

 

m)  si on doit tenir compte des lignes directrices établies par la Cour suprême du Canada dans des arrêts précédents lorsqu’on établit les pénalités, les dépens, etc.;

 

n)     si un contrat qui n’a pas été conclu de façon volontaire est juridiquement contraignant.

 

[14]         Des questions semblables sont soulevées dans l’avis d’appel en matière de TPS.

 

[15]         Le critère à appliquer avant de radier l’acte de procédure, en tenant pour acquis que les faits énoncés dans l’acte de procédure sont vrais, est de trancher s’il est « évident et manifeste » que l’appel ne peut pas être accueilli[4]. L’avis d’appel peut être radié seulement s’il est clair qu’il ne révèle aucun moyen raisonnable d’appel[5].

 

[16]         La question est donc de savoir s’il est évident et manifeste que les avis d’appel ne présentent aucun motif raisonnable d’appel[6].

 

[17]         À mon avis, les faits énoncés dans les avis d’appel, s’ils sont tenus pour avérés, ne remettent pas en question l’exactitude des cotisations. Le montant d’impôt à payer et la méthode de calcul ne sont jamais remis en question. Les questions soulevées dans les appels ne relèvent pas des compétences de la Cour.

 

[18]         Dans ses observations, l’avocate de l’intimée a demandé la radiation des avis d’appel, sans autorisation de modification, étant donné qu’ils ne présentent aucun motif d’action. Elle s’est fondée sur la décision McKenzie c. La Reine[7] dans laquelle le protonotaire Hargrave a formulé le commentaire suivant, au paragraphe 6 :

 

[…] il faut que la déclaration soit une articulation intelligible de façon qu'après l'avoir lue du début à la fin, la partie défenderesse et la Cour puissent comprendre les prétentions de la partie demanderesse. En l'absence d'une telle articulation intelligible des faits, comme c'est le cas en l'espèce, il faut radier la déclaration parce qu'elle est vexatoire, frivole, embarrassante pour la défenderesse et, surtout, parce qu'elle constitue un abus de procédure.

 

[19]         L’appelant avait prévu que l’avocate de l’intimée ferait valoir cet argument. Il a donc présenté un document, qu’il a désigné comme une « articulation intelligible », dans lequel il était question des deux appels. Dans le document, il affirme comprendre que la Cour canadienne de l’impôt n’a pas la compétence pour lui accorder la réparation qu’il demande. Il affirme que le tribunal compétent serait un tribunal anglo-saxon de common law. L’appelant cherche en partie à obtenir de la Cour qu’elle ordonne à l’ARC de traiter les deux entités (soit le NAS et l’être humain) de façon distincte. Je suis davantage convaincue par les avis d’appel révisés que les appels doivent être radiés étant donné qu’ils sont vexatoires, frivoles et constituent un recours abusif.

 

[20]         Les requêtes sont accueillies et les appels 2008-2449(GST)G et 2008‑2448(IT)G sont radiés, sans autorisation de modification. L’intimée a droit à ses dépens s’élevant à 820 $.

 

         Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2008.

 

« V. A. Miller »

Juge V. A. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de juin 2009.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI621

 

Nos DE DOSSIER :                            2008-2448(IT)G

                                                          2008-2449(GST)G

 

INTITULÉ :                                       DALE RANDALL ET

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 4 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 14 novembre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée :

Me Nadine Taylor Pickering

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

 

                         Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] [1994] 2 C.T.C. 2344.

[2] Le paragraphe 301(1.1) de la LTA énonce que l’avis d’opposition doit exposer les motifs de l’opposition et tous les faits pertinents.

[3] Lok v. R., [2001] 1 C.T.C. 2650, au paragraphe 15.

[4] Hunt c. T&N plc, [1990] 2 R.C.S. 959.

[5] Main Rehabilitation Co. c. La Reine., 2004 CAF 403, au paragraphe 3.

[6] Burleigh v. R., [2004] 2 C.T.C. 2797.

[7] 142 F.T.R. 218.

 

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