Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossier : 2009-977(IT)APP

ENTRE :

CONSULTATION NEXT STEP INC.,

requérante,

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Demande entendue le 3 juin 2009, à Québec (Québec).

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

 

Comparutions :

 

Avocat de la requérante :

Me Bernard Roy

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Dany Leduc

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

  Vu la demande de la requérante en vue d'obtenir une ordonnance prorogeant le délai pour produire un avis d'opposition à l'encontre de la cotisation portant le numéro 48178, établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu peut être interjeté;

 

  Et après avoir entendu les parties;

 

  La demande est rejetée, selon les motifs de l’ordonnance ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’août 2009.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 410

Date : 20090820

Dossier : 2009-977(IT)APP

ENTRE :

 

CONSULTATION NEXT STEP INC.,

requérante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge Tardif

 

  • [1] Il s’agit d’une requête dont l’objectif est l’obtention d’une ordonnance permettant à l’appelante de déposer un avis d’opposition à une cotisation établie en date du 21 février 2007.

 

  • [2] Le fondement juridique de la cotisation en question est le paragraphe 160(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« LIR »).

 

  • [3] La requête s’appuie notamment sur le paragraphe 166.2(5) qui se lit comme suit :

 

(5) Acceptation de la demande. Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

 

  • a) la demande a été présentée en application du paragraphe 166.1(1) dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour signifier un avis d’opposition ouprésenter une requête;

[…]

  • [4] La requête est en date du 20 mars 2009 et on y allègue ce qui suit :

 

1.  Le ou vers le 21 février 2007, l’intimée aurait émis à la requérante un avis de cotisation portant le numéro 48178 en vertu du paragraphe 160(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu pour la somme de soixante-dix neuf mille huit cent quatorze dollars et cinquante-cinq cents (79 814,55 $) à l’égard d’un transfert fait le 13 juin 2002 par monsieur Sylvain Simard à la requérante, le tout tel qu’il appert dudit avis de cotisation produit sous la cote R-1;

 

2.  Le seul dirigeant et actionnaire de la requérante en 2007 était monsieur Sylvain Simard et, en 2007, ce dernier demeurait aux États-Unis, le tout tel qu’il sera démontré lors de l’enquête;

 

  1. Le ou vers le 21 février 2007 ou dans les mois qui ont suivi, la requérante n’a jamais eu connaissance de l’avis de cotisation R-1 émis par l’intimée puisqu’elle n’avait aucun représentant dûment autorisé au 1055, rue Saint-Mathieu, appartement 347 à Montréal, lieu où l’intimée aurait transmis l’avis de cotisation R-1;

 

  1. La requérante a appris qu’une cotisation avait été émise le 21 février 2007 au mois de septembre 2008, après que Me Julie Mousseau du ministère de la Justice du Canada ait écrit une lettre à Me Yannick Messier le 4 septembre 2008, le tout tel qu’il appert d’une copie de ladite lettre produite sous la cote R-2;

 

  1. Le ou vers le 22 octobre 2008, la requérante s’est opposée à la cotisation de l’intimée portant le numéro 48178 émise le 21 février 2007 par l’intimée et lui a demandé une prorogation de délai pour s’opposer, le tout tel qu’il appert d’une copie de l’avis d’opposition produite sous la cote R-3, l’intimée étant sommée d’en produire l’original à défaut de quoi preuve secondaire en sera faite à l’audition;

 

  1. Le ou vers le 23 décembre 2008, l’intimée informait la requérante qu’elle ne pouvait accepter la demande de prorogation de délai pour signifier une opposition pour l’année d’imposition 2007, puisque la demande n’avait pas été présentée dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs accordé pour signifier une opposition, le tout tel qu’il appert de ladite décision produite sous la cote R-4;

 

  1. La requérante soumet au Tribunal qu’elle a été dans l’impossibilité de s’opposer à la cotisation émise le 21 février 2007 par l’intimée jusqu’en septembre 2008 car elle n’a pas été avisée avant cette date de la cotisation émise par l’intimée, le tout tel qu’il sera démontré lors de l’enquête;

 

  1. Dès que la requérante a été avisée qu’une cotisation avait été émise le 21 février 2007, elle a déposé un avis d’opposition relativement à cette cotisation dans le mois suivant la connaissance de l’émission de cette cotisation;

 

  1. La cotisation portant le numéro 48178 émise le 21 février 2007 par l’intimée est mal fondée en faits et en droit pour les motifs suivants :

 

  • A) La requérante était propriétaire de l’immeuble situé au 157, chemin Pinacle à Frelighsburg, province de Québec, avant le 13 juin 2002, le tout tel qu’il sera démontré lors de l’enquête;

 

  • B) La requérante a acquis l’immeuble situé au 157, chemin Pinacle à Frelighsburg, province de Québec, le 1er décembre 1999 de Marcel Duguay, François Duguay et Jean‑Pierre Duguay;

 

  • C) Les vendeurs, Marcel Duguay, François Duguay et Jean‑Pierre Duguay, attendu qu’ils finançaient un solde de prix de vente, ne voulaient pas avoir une corporation comme créancière. La notaire Roseline Ménard leur a alors proposé que la vente soit faite en faveur de l’actionnaire de la requérante, monsieur Sylvain Simard. Monsieur Sylvain Simard a alors accepté d’agir comme prête-nom pour la requérante;

 

  • D) La requérante a effectué tous les paiements de l’immeuble situé au 157, chemin Pinacle à Frelighsburg, le tout tel qu’il sera démontré lors de l’enquête;

 

  • E) En tout temps depuis le 1er décembre 1999, la requérante a considéré que l’immeuble situé au 157, chemin Pinacle à Frelighsburg faisait partie de ses actifs, notamment dans ses états financiers, le tout tel qu’il sera démontré lors de l’enquête;

 

  • F) Le 12 juin 2002, une transaction est intervenue entre monsieur Sylvain Simard et la requérante relativement à l’immeuble du 157, chemin Pinacle à Frelighsburg, province de Québec, le tout tel qu’il appert du contrat de vente produit sous la cote R-5;

 

  • G) La transaction produite sous la cote R-5 a été faite à la demande de monsieur François Blondin, comptable agréé, lorsque ce dernier a pris en charge la préparation des états financiers de la requérante et qu’il a constaté que l’immeuble payé par celle-ci n’était pas officiellement à son nom, mais au nom de son actionnaire et administrateur, monsieur Sylvain Simard;

 

  • H) Le contrat R-5 n’a été rédigé que pour régulariser une situation de fait existante depuis le 1er décembre 1999, le tout tel qu’il appert du paragraphe 7 du contrat R-5;

 

  • I) La requérante possède et occupe l’immeuble situé au 157, chemin Pinacle à Frelighsburg, province de Québec, depuis le 1er décembre 1999;

 

  • J) Au moment du transfert allégué par l’intimée le 13 juin 2002, monsieur Simard ne devait aucune somme d’argent à l’intimée;

 

  • K) La requérante a versé pour l’acquisition de l’immeuble du 157, chemin Pinacle à Frelighsburg, province de Québec, une contrepartie égale à sa juste valeur marchande puisque c’est elle qui a effectué tous les paiements pour l’acquisition de l’immeuble;

 

  1. La cotisation de l’intimée émise le 21 février 2007 est mal fondé en faits et en droit puisque monsieur Sylvain Simard n’a jamais été vraiment propriétaire de l’immeuble situé au 157, chemin Pinacle à Frelighsburg, province de Québec;

 

  1. Le délai prévu paragraphe 7 de l’article 166.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu a été suspendu durant la période où la requérante a été dans l’impossibilité de loger un avis d’opposition, puisque l’avis de cotisation du 21 février 2007 ne lui a pas été communiqué;

 

  1. La présente requête est bien fondée en faits et en droit

 

  • [5] L’intimé a répliqué à la requête comme suit :

 

En réponse à la demande d’ordonnance pour proroger le délai à l’intérieur duquel la requérante peut présenter un avis d’opposition auprès de la Cour canadienne de l’impôt, à l’égard de l’avis de cotisation portant numéro 48178, le Sous-procureur général du Canada déclare ce qui suit :

 

1.  En date du 22 février 2007, le Ministre du Revenu national (ci-après, le « Ministre ») a expédié à la requérante, par courrier recommandé, un avis de cotisation portant numéro 48178, conformément à l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu (ci-après, la « Loi »).

 

2.  Le ou vers le 22 octobre 2008, la requérante a logé une demande de prorogation de délai pour signifier son opposition à l’égard de l’avis de cotisation du 21 février 2007 et portant numéro 48178.

 

  1. Le 23 décembre 2008, le Ministre a avisé la requérante que sa demande de prorogation est rejetée conformément à l’alinéa 166.1(7)a) de la Loi.

 

  1. Le 20 mars 2009, la requérante a déposé auprès de la Cour canadienne de l’impôt une demande de prorogation de délai pour signifier une opposition, relativement à la décision du Ministre. L’intimée soutient que la demande de prorogation de délai à l’égard de l’avis de cotisation du 21 février 2007 et portant numéro 48178 devrait être rejetée pour le motif suivant :

 

La demande de la requérante n’a pas été présentée dans l’année suivant l’expiration du délai imparti en vertu du paragraphe 166.1(1), conformément à l’exigence de l’alinéa 166.2(5)a) de la Loi.

 

  • [6] La preuve a été constituée du témoignage de monsieur Sylvain Simard, seul dirigeant de la requérante. Il a expliqué que ses activités professionnelles l’avaient conduit à effectuer de très nombreux déplacements au Canada, aux États-Unis, et aux Bahamas.

 

  • [7] À une certaine époque, et ce, pendant quelques années, monsieur Simard résidait à Frelighsburg (Québec); il avait comme adresse le 157, chemin Pinacle. Il a affirmé que l’adresse en question était la sienne à la date où la cotisation a été établie, soit le 21 février 2007. Il a affirmé avoir conservé la même adresse et n’y avoir apporté aucune modification, et ce, bien qu’il ait vendu, le 22 juin 2006, la partie du bien-fonds où était érigée la seule résidence habitable. Sylvain Simard, le seul administrateur de la requérante, a répété à plusieurs reprises que le 157, chemin Pinacle était son adresse depuis plusieurs années et ce, au moment où la cotisation dont il veut faire appel a été établie.

 

  • [8] Monsieur Simard a affirmé n’avoir jamais utilisé en même temps deux adresses ce qui fût contredit par la preuve documentaire.

 

  • [9] Monsieur Simard a aussi expliqué qu’il avait vécu à différents endroits aux États-Unis ainsi qu’aux Bahamas. Il a ainsi affirmé avoir utilisé différentes adresses en fonction de ses diverses activités. Il a aussi utilisé l’adresse de sa mère et de sa sœur chez qui il a demeuré de manière ponctuelle.

 

  • [10] Durant cette période, il a résidé au Canada, aux États-Unis et aux Bahamas.

 

  • [11] Madame Lucie Bélanger a également témoigné. Elle a expliqué avoir effectivement fait l’acquisition, avec son conjoint, d’une partie importante du bien‑fonds, propriété de la requérante, sur lequel était érigée la résidence qui est devenue, à compter de la date du contrat, le 22 juin 2006, sa principale résidence pour elle et son conjoint.

 

  • [12] Elle a aussi expliqué avoir effectué, au moyen de la procédure habituelle prévue par la Société des postes, son changement d’adresse de sorte qu’à compter de cette date, soit le 22 juin, son adresse officielle pour son conjoint et elle est devenue le 157, chemin Pinacle, à Frelighsburg.

 

  • [13] Elle a indiqué que le vendeur avait conservé une partie du bien-fonds sur lequel il y avait une étable et un garage sans numéro civique. Elle et son conjoint ont, plus tard, fait l’acquisition de cette partie du bien-fonds qui, à sa connaissance, n’a jamais eu de numéro civique.

 

  • [14] Madame Bélanger a aussi mentionné n’avoir jamais eu de problème de livraison de son courrier à sa nouvelle adresse, soit le 157 Pinacle, à Frelighsburg. Elle a toutefois indiqué avoir reçu plusieurs envois postaux qui ne lui étaient pas destinés, et ce, pendant une longue période.

 

  • [15] Elle a expliqué avoir avisé le responsable au bureau de poste; lorsqu’elle recevait du courrier qui n’était pas destiné à sa famille, elle le retournait après y avoir indiqué que l’adresse était incorrecte; à une occasion, elle a, sans succès, ré adressé une enveloppe au 1055, rue St-Mathieu, app. 347, Montréal (QC) H3H 2S3, soit l’adresse figurant au contrat notarié en vertu duquel ils ont acquis leur nouvelle résidence; l’enveloppe lui a été retournée; elle a donc conclu qu’elle ne pouvait rien faire d’autre que d’inscrire sur l’enveloppe la mention « mauvaise adresse » et aviser le maître de poste en conséquence.

 

  • [16] Elle a aussi affirmé avoir été préoccupée par cette situation assez particulière en raison du fait que plusieurs envois provenaient soit de Revenu Québec, soit de Revenu Canada. Étant fiscaliste de formation, elle a expliqué bien connaître l’importance du contenu de tels envois postaux, d’où son inconfort à ne pas être en mesure de faire suivre le courrier à son destinataire.

 

  • [17] Le témoignage de madame Bélanger contredit les prétentions de monsieur Simard, d’une part, et, d’autre part, il appert de son témoignage que la confusion a duré très longtemps, au point où elle a reçu beaucoup de courrier adressé à la requérante et ce durant une longue période après avoir fait l’acquisition de l’immeuble et par voie de conséquence le numéro civique.

 

  • [18] Madame Christiane Beaudoin, une employée de l’Agence, a expliqué avoir constaté que l’adresse indiquée au dossier fiscal était le 157 Pinacle, et qu’il s’agissait ici de l’adresse utilisée durant quelques années.

 

  • [19] Ayant constaté l’existence d’un retard dans la production des déclarations de la requérante l’Agence à entrepris diverses démarches pour s’assurer que l’avis de cotisation serait livré à une adresse fiable.

 

  • [20] Lors de son témoignage, par le biais d’un affidavit en date du 25 mai 2009, déposé avec le consentement des parties, Madame Hélène Wait affirmait notamment ce qui suit :

 

4.  Lors de la préparation de cet avis de cotisation, j’ai constaté au système informatique de l’Agence du revenu du Canada que la dernière adresse postale inscrite pour Consultation Next Step Inc. était le 157, chemin Pinacle à Frelishsburg [sic] au Québec, tel qu’il appert de l’imprimé de l’historique des adresses de Consultation Next Step Inc. au système informatique de l’Agence du revenu du Canada, dont copie est déposée au soutien de mon affidavit comme pièce C.

 

  1. Selon les renseignements apparaissant au système informatique de l’Agence du revenu du Canada, le 157, chemin Pinacle à Frelishsburg [sic] au Québec était l’adresse postale de Consultation Next Step Inc. depuis le 21 mars 2003.

 

  1. Cependant, je savais qu’il ne s’agissait pas de l’adresse postale valide de Consultation Next Step Inc. puisque la résidence sise au 157, chemin Pinacle à Frelishsburg [sic] avait été vendue par Consultation Next Step Inc. le 22 juin 2006, tel qu’il appert de l’acte de vente, dont copie est déposée au soutien de mon affidavit comme pièce D.

 

  1. J’avais de plus remarqué le 6 février 2007, en lisant l’acte de vente du 22 juin 2006, que Consultation Next Step Inc. utilisait une nouvelle adresse postale, à savoir le 1055, rue St-Mathieu, appartement 347 à Montréal.

 

  1. En date du 6 février 2007, les lots 136 et 137 [1] du cadastre officiel de la Paroisse de Saint-Armand Est, dans la circonscription foncière de Missisquoi demeuraient encore la propriété de Consultation Next Step Inc.

 

  1. J’ai alors communiqué avec madame Pouler à la municipalité de Frelishsburg [sic] le 6 février 2007 et elle m’a confirmé que l’adresse postale inscrite au registre de la municipalité pour l’envoi du compte de taxe foncière de Consultation Next Step Inc., relativement à ces deux lots, était le 1055, rue St-Mathieu, appartement 347 à Montréal.

 

  1. J’ai donc constaté, en préparant la cotisation datée du 21 février 2007, que Consultation Next Step Inc. n’avait pas mis à jour son adresse postale auprès de l’Agence du revenu du Canada d’une quelconque façon.

 

  1. J’ai donc complété la cotisation datée du 21 février 2007 en l’adressant au 1055, rue St-Mathieu, appartement 347 à Montréal.

 

  1. J’ai mis la cotisation datée du 21 février 2007 dans une enveloppe que j’ai remise au service du courrier de l’Agence du revenu du Canada avec l’instruction de la poster par courrier recommandé au 1055, rue St‑Mathieu, appartement 347 à Montréal.

 

  1. Poste Canada a remis à l’Agence du revenu du Canada une preuve de dépôt de cette enveloppe en date du 22 février 2007, incluant l’étiquette de code à barre RT 915 497 541 CA, permettant d’identifier cet envoi par courrier recommandé, tel qu’il appert du document de saisie des données sur le courrier repérable, dont copie est déposée au soutien de mon affidavit comme pièce E.

 

  1. Le 2 mars 2007, l’avis de cotisation daté du 21 février 2007 a été retourné à l’expéditeur, soit à Denise Gilbert, une employée de la salle du courrier de l’Agence du revenu du Canada, comme le confirme l’imprimé informatique relatif à la livraison de l’article portant le code à barre RT 915 497 541 CA, dont copie est déposée au soutien de mon affidavit comme pièce F.

  2. En date du 28 mars 2007, j’ai eu une conversation téléphonique avec Sylvain Simard. Ce dernier a communiqué avec moi pour connaître la nature des frais judicaires indiqués sur un état de compte personnel. Après lui avoir fourni les renseignements, j’ai tenté de mettre à jour son dossier en lui demandant ses nouvelles coordonnées postales. Il a refusé et m’a demandé « si j’étais folle ». Il m’a souhaité « bonne chance dans mes démarches de recouvrement contre lui, car maintenant il habitait au Bahamas ». Il a ensuite mis fin à la conversation.

 

  1. Le 2 avril 2007, j’ai envoyé une première lettre de recouvrement à Consultation Next Step Inc., à Calverton, New York (adresse alors inscrite au système informatique de l’Agence du revenu du Canada depuis le 2 avril 2007), tel qu’il appert d’une reproduction de cette lettre, dont copie est déposée au soutien de mon affidavit comme pièce G.

 

  1. D’ailleurs, l’adresse à Calverton dans l’état de New York correspond à l’adresse postale inscrite au système informatique de l’Agence du revenu du Canada pour Sylvain Simard, pour la période du 5 décembre 2006 au 2 avril 2007, tel qu’il appert de l’imprimé de l’historique des adresses de Sylvain Simard au système informatique de l’Agence du revenu du Canada, dont copie est déposée au soutien de mon affidavit comme pièce H.

 

  1. Cette lettre du 2 avril 2007 m’a été retournée avec la mention « box closed, unable to forward, return to sender », tel qu’il appert de l’enveloppe retournée, dont copie est déposée au soutien de mon affidavit comme pièce I.

 

  1. Le 11 mai 2007, j’ai envoyé une deuxième lettre de recouvrement à Consultation Next Step Inc., cette fois au 1055 rue St-Mathieu, #347, Montréal, adresse où sont envoyés les comptes de taxes pour les lots 136 et 137 du cadastre officiel de la Paroisse de Saint-Armand Est, tel qu’il appert d’une reproduction de la première page de cette lettre, dont copie est déposée au soutien de mon affidavit comme pièce J.

 

  1. Cette lettre m’a aussi été retournée avec la mention « inconnu à cette adresse, me téléphoner si vous voulez en discuter 514-842-8200 », tel qu’il appert de l’enveloppe retournée, dont copie est déposée au soutien de mon affidavit comme pièce K.

 

  1. Le 19 juin 2007, j’ai eu une conversation téléphonique avec Me Lulu Cornellier, soit la personne qui demeurait au 1055 rue St-Mathieu, #347, Montréal. Elle m’a confirmé que Sylvain Simard utilisait parfois son adresse postale pour l’envoi de certains documents. Elle a toutefois précisé qu’elle avait rompu tous ses liens avec lui et qu’elle ne l’autorisait pas à se servir de son adresse postale.

 

  1. Je n’avais aucune autre adresse à ma disposition pour aviser l’appelante qu’une cotisation datée du 21 février 2007 avait été établie à son nom en vertu de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

  • [21] Elle a décrit la politique administrative relative à l’adresse de tout contribuable; un numéro de code est accolé au dossier de chaque contribuable quant à son adresse; si le contribuable produit sa déclaration dans les délais prescrits sans changer l’adresse, l’Agence tient alors pour acquis qu’il s’agit toujours de la bonne adresse.

 

  • [22] À partir de cette pratique administrative, pourquoi la responsable ne s’est-elle pas limitée à cette façon de faire, créant ainsi une présomption difficilement renversable à l’effet que l’avis de cotisation avait été correctement adressé ?

 

  • [23] La requérante soutient qu’elle n’a pas eu connaissance de l’existence de la cotisation avant le 4 septembre 2008; soit au moment où elle a pris connaissance du contenu d’une lettre adressée à Me Yanick Messier de l’étude Grégoire, Payette, Rhéaume, Messier (Pièce A-1, onglet 2).

 

  • [24] Cette prétention à l’effet que monsieur Simard, pour et au nom de la requérante, a pris connaissance de la cotisation seulement dans les jours qui ont suivi la réception de la lettre du 4 septembre 2008 est-elle validée ou confirmée par la preuve ou même par un début de preuve?

 

  • [25] La prépondérance de la preuve est à l’effet que Sylvain Simard est une personne qui se déplace souvent et réside, selon les périodes, au Canada, aux États-Unis et aussi aux Bahamas, tout en utilisant plusieurs adresses au Canada.

 

  • [26] En raison de sa grande mobilité, monsieur Simard a-t-il été proactif en communiquant une de ses adresses à l’intimée?

 

  • [27] Dans un régime où la règle est l’auto‑cotisation, il est tout à fait essentiel que toute personne assujettie aux lois fiscales communique aux autorités fiscales une adresse valable. D’ailleurs, les déclarations annuelles que doivent faire les contribuables prévoient une mise à jour expresse à cet égard.

 

  • [28] La confusion aurait pu s’expliquer dans le cas d’une période transitoire, mais certainement pas pour la période indiquée par madame Bélanger, témoin dont la crédibilité est inattaquable.

 

  • [29] En outre, il est possible, voir probable, que l’adresse du 1055, rue St‑Mathieu, app. 347, à Montréal, soit celle où la sœur de Sylvain Simard habitait, a été utilisée à plusieurs reprises pour une période qui n’a pas été définie. Il est d’ailleurs fort intéressant de constater les observations faites par la sœur de monsieur Simard, Me Lulu Cornellier, à Hélène Wait. Je reproduis le paragraphe 21 du témoignage écrit de madame Wait :

 

21.  Le 19 juin 2007, j’ai eu une conversation téléphonique avec Me Lulu Cornellier, soit la personne qui demeurait au 1055 rue St-Mathieu, #347, Montréal. Elle m’a confirmé que Sylvain Simard utilisait parfois son adresse postale pour l’envoi de certains documents. Elle a toutefois précisé qu’elle avait rompu tous ses liens avec lui et qu’elle ne l’autorisait pas à se servir de son adresse postale.

 

  • [30] Il s’agissait là de l’adresse mentionnée dans le contrat et sur laquelle s’est appuyée l’Agence, madame Lucie Bélanger et la municipalité. Dans le cas de cette dernière, il était question de percevoir les taxes foncières applicables à la partie du bien-fonds non vendue sur laquelle il n’y avait qu’une grange et qu’un garage.

 

  • [31] La mesure qui prévoit la possibilité d’obtenir un délai additionnel pour déposer un avis d’opposition hors du délai est une mesure d’exception. La mesure est assujettie à des conditions strictes et fort précises.

 

  • [32] En l’espèce, compte tenu des dispositions, il devient également essentiel de déterminer la date où le décompte du délai doit débuter. Est-ce la date où la cotisation a été établie et mise à la poste? Est-ce le jour où le représentant de la requérante a pris connaissance de l’existence de la cotisation? Avant de répondre à ces questions, il faut, dans un premier temps, évaluer si l’envoi de départ le 21 février 2007 était valable.

 

  • [33] La preuve de la requérante se résume au seul témoignage de Sylvain Simard. Sommaire, ce témoignage est à l’effet que l’adresse de la requérante était, au moment de l’établissement de la cotisation, le 157 Pinacle; cette affirmation est cependant contredite par d’autres informations et documents; en effet, il semble que monsieur Simard changeait souvent d’adresse; en outre, il n’utilisait pas la procédure prévue par la société des postes pour signaler ses changements d’adresse, du moins, selon la preuve soumise.

 

  • [34] Bien au contraire, la preuve circonstancielle est à l’effet qu’il agissait délibérément pour entretenir l’ambigüité, l’équivoque, quant à l’adresse de la requérante.

 

  • [35] Monsieur Simard a notamment effectué un changement d’adresse pour le 38, Place du commerce, à Verdun. Or, dans les registres de la municipalité de Frelighsburg relatifs au bien-fonds dont la requérante était propriétaire, l’adresse postale de la requérante a toujours été le 1055, rue St-Mathieu, appartement 347, à Montréal.

 

  • [36] La preuve doit s’apprécier dans un contexte plus large s’appuyant sur les témoignages de madame Hélène Wait, de madame Lucie Bélanger et finalement, de madame Christiane Beaudoin et sur une preuve documentaire importante à l’appui de ces témoignages. Or, la preuve de l’intimée contredit les affirmations et les prétentions de monsieur Sylvain Simard et a fait ressortir les faits suivants :

    • À compter du 22 juin 2006, le bien-fonds portant le numéro civique 157, chemin Pinacle, appartenait à madame Lucie Bélanger et à son conjoint et non plus à Sylvain Simard.

 

  • Monsieur Sylvain Simard avait alors indiqué le 1055, rue St-Mathieu, app. 347, Montréal (QC) comme adresse au contrat notarié en date du 22 juin 2006. Madame Bélanger a d’ailleurs acheminé sans succès du courrier à cette adresse.

 

  • Plusieurs autres adresses ont été utilisé par l’unique actionnaire et administrateur de la requérante soit le 38, Place du commerce, pièce 10 à l’Ile des Sœurs, C.P. 138, soit le P.O. Box 193, Calverton N.Y. 11933 à compter du 4 février 2007, soit le 500, Solomon Building, suite 132, aux Bahamas, à compter du 12 mai 2006, soit le 86, Lending Lane, Calverton N.Y. 11933 à compter du 9 juillet 2006 et soit le 1626, route 209, à Franklin.

 

  • [37] La preuve met deux choses en évidence. La première est à l’effet que Sylvain Simard, seul administrateur de la requérante, était une personne qui se déplaçait souvent et rapidement, au point où il est raisonnable de conclure qu’il faisait le maximum d’efforts pour semer de la confusion en ce qui concerne son adresse postale.

 

  • [38] La deuxième est à l’effet que la personne responsable du dossier fiscal a manifestement choisi de faire son possible pourque l’avis de cotisation atteigne la requérante.

 

  • [39] Cette préoccupation ou ce zèle positif constitue le fondement principal sinon le seul fondement de la requête de la requérante.

 

  • [40] En effet, la requérante soutient qu’elle n’a pas été informée de la cotisation puisque celle-ci n’a pas été adressée au 157, Pinacle, à Frelighsburg, soit l’adresse de la requérante depuis toujours. Elle a pris connaissance de la cotisation par le biais d’une lettre, en date du 4 septembre 2008, adressée à Me Yanick Messier.

 

  • [41] Monsieur Simard semble considérer la date de septembre 2008 comme étant la date à partir de laquelle commençait à courir le délai bien qu’il s’agit d’une lettre qui ne lui était même pas adressée. Or, lors d’une conversation avec la personne responsable du dossier fiscal, le 28 mars 2007, il a alors expressément et d’une manière arrogante, refusé de fournir une adresse valable. Évidemment, il voudrait que soit occultée de l’analyse la réplique donnée à la vérificatrice lors de leur conversation téléphonique.

 

  • [42] L’avis de cotisation a été adressé à une adresse correcte, légitime, qu’il a lui‑même fournie et qui a été consignée dans un acte authentique, l’adresse en question étant celle de sa sœur, avocate de formation, qui n’a pas témoigné et qui avait manifestement reçu comme directive de retourner à l’expéditeur certains envois postaux dont, sans doute, l’avis de cotisation.

 

  • [43] La prépondérance de la preuve est corroborée par la remarque de monsieur Simard faite à Hélène Wait. [2]

 

  • [44] Je ne retiens pas les explications de monsieur Simard. Elles sont confuses et contradictoires.

 

  • [45] La prépondérance de la preuve est à l’effet que l’intimée, à l’époque de l’établissement de la cotisation, a fait des efforts et pris plusieurs initiatives pour s’assurer que la cotisation soit communiquée à la requérante.

 

  • [46] Cette conclusion est d’ailleurs validée par les propos que monsieur Simard a tenus à la représentante de l’intimée, lors d’une conversation téléphonique à une date contemporaine à la date de la cotisation.

 

  • [47] Or, non seulement un tel comportement n’était pas la meilleure façon de faire pour démontrer le bien‑fondé de la requête, la requérante devait plutôt démontrer un minimum de sérieux en faisant la preuve qu’elle avait fourni une bonne adresse à l’intimée.

 

  • [48] La requérante a cru échapper à la cotisation en entretenant la confusion quant à l’adresse où devait être envoyé son courrier.

 

  • [49] Certes, il s’agit là d’une conclusion qui ne découle pas d’une preuve directe, mais la preuve circonstancielle est suffisamment forte pour tirer une telle conclusion, et ce, notamment, pour les raisons suivantes :

 

  • La requérante n’a jamais fait rien pour communiquer son adresse à l’Agence.

  • La requérante était, au moment de la cotisation, en défaut quant à l’obligation de produire sa déclaration de revenu.

  • Le seul dirigeant de la requérante, monsieur Simard, se déplaçait souvent entre le Canada, les États-Unis et les Bahamas et a utilisé plusieurs adresses.

  • Au Canada, bien qu’il ait vendu le bien-fonds sur lequel sa résidence était érigée, il a continué à utiliser cette même adresse. Il devait savoir qu’en omettant de fournir un avis de changement d’adresse, il brouillerait les pistes.

  • Il a, à un moment donné, fourni l’adresse de sa mère.

  • Pour une autre période, il a donné l’adresse de sa sœur, notamment dans l’acte notarié de la vente du 22 juin 2006.

  • Il a aussi établi une adresse postale à l’Ile des Sœurs, soit le 38, Place du commerce, suite 10, à l’Ile des Sœurs, C.P. 138.

  • Il avait aussi eu des adresses aux États-Unis et aux Bahamas.

  • La municipalité avait également utilisé comme adresse le 1055, rue St-Mathieu, à Montréal, ce qui, en quelque sorte, confirme la validité de l’adresse utilisée par l’Agence.

 

  • [50] Tous ces éléments soutiennent très certainement la thèse à l’effet que la requérante faisait tout pour entretenir la confusion; il est indéniable qu’elle n’a rien fait pour fournir une adresse valable.

 

  • [51] Cette appréciation n’a pas le mérite d’être absolue, mais les propos de monsieur Simard, lors d’une conversation téléphonique survenue le 28 mars 2007, soit à peine un mois après la date de la cotisation, valident très certainement cette conclusion.

 

  • [52] Au soutien de sa requête, la requérante veut imputer la responsabilité du problème à l’Agence alors que la preuve est à l’effet qu’elle a été seule artisane du problème, devant ainsi assumer la totale responsabilité qui en découle.

 

  • [53] De plus, il est manifeste dans ce dossier que la requérante ne rencontre pas les exigences de la Loi soit notamment en ce qui suit :

 

  • La preuve n’a pas établi qu’elle n’a ni pu agir ni charger quelqu’un d’agir en son nom (conversation avec la vérificatrice).

  • Compte tenu des raisons et du contexte relevé par la preuve, il est juste et équitable de faire droit à la demande.

  • La requête a été présentée dès que les circonstances l’ont permis.

 

  • [54] La prépondérance de la preuve est à l’effet que la requérante a cru qu’elle pourrait éviter ou se soustraire aux conséquences de la cotisation. Lorsque la réalité de la cotisation est devenue incontournable, la requérante a changé sa stratégie et dès lors présenté la requête. Ce comportement n’est pas celui prévu au paragraphe 166(1) de la Loi.

 

  • [55] Pour toutes ces raisons, la demande est rejetée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’août 2009.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :  2009 CCI 410

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :  2009-977(IT)APP

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :  CONSULTATION NEXT STEP INC. ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  le 3 juin 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :  L'honorable juge Alain Tardif

 

DATE DU JUGEMENT :  le 20 août 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Bernard Roy

Avocat de l'intimée :

Me Dany Leduc

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

  Pour l'appelant:

 

  Nom :  Me Bernard Roy

 

  Cabinet :

 

  Pour l’intimée :  John H. Sims, c.r.

  Sous-procureur général du Canada

  Ottawa, Canada

 



[1] Sauf et à distraire du lot 137 dudit cadastre, le coin Nord-Ouest réservé par Marcus Kessier, aux termes de l’acte signé le 27 septembre 1972 et publié au Bureau de la publicité des droits de la circonscription foncière de Missisquoi, sous le numéro 134156, mesurant deux cent dix-huit pieds (218pi) de l’Ouest à l’Est, par sept cents pieds (700pi) du Nord au Sud; ladite partie dudit lot 137 dudit cadastre étant bornée au Nord, par le chemin public tel qu’actuellement élargi; à l’Ouest par la ligne Ouest dudit lot 137; au Sud et à l’Est, par le résidu du lot 137, mesure anglaise.

[2] Le contenu de cette conversation ne constitue pas un élément déterminant en soi; par contre, il tire au clair certaines confusions et certains comportements et, chose certaine, s’inscrit dans la direction dictée par l’ensemble de la preuve.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.