Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2010-1756(IT)G

ENTRE :

DENIS HAMEL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 9 juin 2011, à Québec (Québec).

 

Devant : L’honorable juge Alain Tardif

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me André Lareau

 

 

Avocate de l’intimée :

Me Marielle Thériault

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2007 est accueilli avec dépens et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que l’appelant a cessé d’être résident du Canada à compter du 13 janvier 2007, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d’août 2011.

 

 

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


 

 

 

Référence : 2011 CCI 357

Date : 20110824

Dossier : 2010-1756(IT)G

ENTRE :

DENIS HAMEL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Tardif

 

[1]              Il s’agit d’un appel d’une cotisation fondée sur l’hypothèse voulant que l’appelant était un résident du Canada pendant l’année d’imposition 2007 et les années suivantes. La question en litige a été formulée dans la réponse à l’avis d’appel comme suit :

 

L’appelant a-t-il cessé d’être résident du Canada le 13 janvier 2007?

 

[2]              Pour établir et ratifier la cotisation qui fait l’objet du présent appel, l’intimée a notamment tenu pour acquis les faits suivants :

 

a)    L’appelant a quitté le Canada en janvier 2007 pour aller travailler au Qatar en vertu d’un contrat d’emploi conclu avec une compagnie américaine (Rust Resources Inc.) (pas de réponse)

 

b)    L’appelant n’a pas obtenu de permis de résidence au Qatar. (nié)

 

c)      L’appelant a obtenu un permis de travail du Qatar valide jusqu’au 13 août 2010. (admis)

 

d)      Après l’expiration de son permis de travail, l’appelant devait quitter le Qatar. (admis)

 

e)      En décembre 2007, l’appelant a obtenu un permis de conduire du Qatar valide jusqu’au 11 décembre 2012. (admis)

 

f)        L’appelant a conservé un compte bancaire, une carte de crédit et des investissements (REÉR et autres) au Canada. (admis)

 

g)      L’appelant était détenteur d’un passeport canadien. (admis)

 

h)      L’appelant a deux fils majeurs qui sont demeurés au Canada et qu’il a visités en 2007 et 2008. (admis)

 

i)        Pendant l’année 2007, l’appelant est revenu quatre fois au Canada pendant environ deux semaines à chaque fois. (admis)

 

j)        Pendant l’année 2008, l’appelant est revenu trois fois au Canada. (admis)

 

k)      L’appelant a produit sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2007 à titre de résident du Canada. (admis)

 

l)        À aucun moment pertinent au litige, l’appelant n’est devenu résident d’un pays autre que le Canada. (nié)

 

[3]              Les faits énoncés à tous ces alinéas ont été admis, à l’exception de l’alinéa a), auquel l’appelant n’a pas répondu, et des alinéas b) et l), qui ont été niés.

 

[4]              La preuve consistait principalement en le témoignage de l’appelant. Son fils a aussi témoigné.

 

[5]              L’appelant a longuement témoigné et a donné beaucoup de détails au sujet de sa carrière, de sa famille, des nombreux problèmes de santé de l’un de ses fils et de ses difficultés avec son épouse, qui ont mené à un divorce au début de 2008.

 

[6]              Les compétences de l’appelant faisaient qu’il avait une très bonne réputation, qu’il avait acquise en travaillant pour des entreprises dans les industries du papier, de l’électricité et de l’énergie nucléaire. Ces entreprises devaient manipuler des produits très dangereux, et exploitaient notamment des laboratoires produisant du peroxyde.

 

[7]              La prépondérance de la preuve a établi que le départ de l’appelant pour l’étranger n’était pas spontané, irréfléchi, et causé par le seul appât du gain.

 

[8]              L’appelant avait une très bonne réputation, et il n’est pas exagéré d’affirmer qu’il n’avait aucun problème à se trouver de bons emplois bien payés au Canada. Bien plus, il était recherché. Il a souvent vécu éloigné de sa famille, notamment à Montréal alors que sa famille habitait la région de Trois‑Rivières et, surtout, il a fait un très long séjour en Chine, et il a continuellement rêvé à quitter définitivement le Canada.

 

[9]              Il hésitait surtout en raison des problèmes de santé de l’un de ses fils. À un moment, son fils lui a dit qu’il devait penser à lui-même et réaliser son rêve sans regret.

 

[10]         L’appelant a affirmé qu’après que son fils l’eut encouragé à réaliser son rêve de quitter le Canada, il n’y avait plus rien pour le retenir. Il a alors entrepris le processus devant conduire à la rupture définitive; il a cédé sa part indivise de la résidence à son épouse, dont il a divorcé au début de l’année 2008.

 

[11]         Il a disposé de ses biens sans exception, sauf deux comptes dans une caisse populaire par lesquels passaient ses transactions. Son permis de conduire avait été suspendu, et il a renoncé à en demander un nouveau, et ce, plusieurs mois avant de quitter pour le Qatar.

 

[12]         Ses retours de courte durée au Canada n’avaient pour seul but que de revoir ses deux fils, dont l’un avait de sérieux problèmes de santé, sa mère et quelques amis.

 

[13]         Lors de ces courts séjours, l’appelant louait une voiture, demeurait à l’hôtel et partageait son temps entre Montréal, Trois‑Rivières et Québec.

 

[14]         Notre Cour et d’autres cours ont été saisies au fil des ans de plusieurs affaires où le litige portait sur le pays ou le lieu de résidence d’une personne physique. Malgré l’abondante jurisprudence, il n’existe toujours pas de formule magique permettant d’en arriver à une réponse absolue.

 

[15]         Plusieurs décisions ont cependant expliqué le cheminement à suivre pour arriver à une conclusion en cette matière.

 

[16]         Il m’apparaît utile de reproduire certains extraits de ces décisions; d’ailleurs la décision Thomson c. M.R.N., [1946] R.C.S. 209, constitue l’arrêt-clé en ce qui concerne la détermination du lieu de résidence d’une personne qui a quitté le Canada[1].

 

[17]          Dans la décision Guo c. Canada, 2004 CAF 390, la Cour d’appel fédérale a rappelé, au paragraphe 2 de sa décision, que « [l]a détermination du lieu de résidence d’une personne est une question complexe qui oblige le juge à soupeser de nombreux facteurs » et qu’« [i]l est clair que la résidence d’une personne ne dépend pas uniquement du statut que lui reconnaît la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I‑2, bien que ce statut puisse fournir certains indices quant au lieu de résidence. ».

 

[18]         La décision Thomson, précitée, nous enseigne que la question à trancher est de déterminer l’endroit où le contribuable vit régulièrement, normalement ou ordinairement selon son mode de vie habituel. On doit examiner la mesure dans laquelle une personne s’installe mentalement et en fait à un endroit et y maintient ou y centralise son mode de vie habituel, y compris les relations sociales, les intérêts et les convenances. Le juge Rand a formulé les conclusions suivantes aux pages 224 et 225 :

 

[TRADUCTION]

 

La progression par degrés en ce qui concerne le temps, l’objet, l’intention, la continuité et les autres circonstances pertinentes montre que, dans le langage ordinaire, le terme « résidant » ne correspond pas à des éléments invariables qui doivent tous être présents dans chaque cas donné. Il est tout à fait impossible d’en donner une définition précise et applicable à tous les cas. Ce terme est très souple, et ses nuances nombreuses varient non seulement suivant le contexte de différentes causes, mais aussi suivant les différents aspects d’une même cause. Dans un cas donné, certains éléments seront suffisants; dans d’autres, on retrouvera d’autres éléments, dont certains seront communs et certains autres nouveaux.

 

L’expression « résidence habituelle » a un sens restrictif et, alors qu’à première vue elle implique une prépondérance dans le temps, les décisions rendues en vertu de la loi anglaise ont rejeté ce point de vue. On a jugé qu’il s’agit de la résidence au cours du mode habituel de vie de la personne en question, par opposition à une résidence spéciale, occasionnelle ou fortuite. Pour appliquer le critère de la résidence habituelle, il faut donc examiner le mode général de vie.

 

Pour l’application de la législation fiscale, il faut présumer qu’un particulier a toujours une résidence. Il n’est pas nécessaire qu’il ait une maison ou un logement particuliers ou même un abri. Il peut coucher à la belle étoile. Il faut uniquement déterminer les limites géographiques dans lesquelles il passe sa vie ou auxquelles sa vie ordinaire ou quotidienne est liée. La meilleure façon d’apprécier la résidence habituelle est d’en examiner l’antithèse, la résidence occasionnelle, fortuite ou extraordinaire. Cette dernière semble nettement être non pas seulement temporaire quant à sa durée et exceptionnelle quant à ses circonstances, mais elle s’accompagne également d’un caractère passager et d’une volonté de retour.

 

Cependant, dans le cas de ce qu’on appelle la « résidence permanente », la « résidence temporaire », la « résidence ordinaire », la « résidence principale », et ainsi de suite, les adjectifs n’influent pas sur le fait qu’il y a dans tous les cas résidence; cette qualité dépend essentiellement du point jusqu’auquel une personne s’établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d’intérêts et de convenances, au lieu en question. Cela peut être limité en temps depuis le début ou être indéfini ou, dans la mesure où cela est considéré, illimité. Au minimum, les expressions concernant la résidence devraient être distinguées, comme je crois qu’elles le sont dans le langage ordinaire, des situations de « séjours » ou de « visites ».

 

 

Les facteurs établis dans Reeder

 

[19]         Dans la décision La Reine c. Reeder, [1975] C.T.C. 256 (C.F., 1re inst.), la Cour fédérale a établi les facteurs que la Cour doit considérer pour déterminer la résidence d’une personne. Dans la décision Gaudreau c. La Reine, 2004 CCI 840, conf. par 2005 CAF 388, la juge Lamarre a repris ces facteurs :

 

24        Par conséquent, comme l’a laissé entendre l’avocat de l’appelant, la question consiste à déterminer où, durant la période en cause, l’appelant habitait, dans sa vie de tous les jours, d’une manière régulière, normale ou habituelle. Il faut examiner le point jusqu’auquel l’appelant s’est établi en pensée et en fait ou a conservé ou centralisé son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d’intérêts et de convenances, au lieu en question.

 

25        Cette question relève principalement des faits. Dans la décision The Queen v. Reeder, 75 DTC 5160 (C.F., 1ère inst.), invoquée par l’appelant, la Cour fédérale a énuméré certains facteurs jugés importants pour trancher la question de la résidence en matière fiscale, à la page 5163 :

 

Ces éléments sont notamment :

 

a. le genre de vie passé ou présent;

 

b. la régularité et la durée des séjours dans le ressort de la juridiction de la résidence;

 

c. les liens dans le ressort de cette juridiction;

 

d. les liens en d’autres lieux;

 

e. le caractère permanent ou autre des séjours à l’étranger.

 

La question des liens dans le ressort de la juridiction de résidence et en d’autres lieux englobe toute la gamme des rapports et des engagements d’une personne : biens et placements, emploi, famille, affaires, liens culturels et mondains en sont des exemples. Tous les éléments ne seront pas retenus dans chaque cas. Ils doivent être considérés à la lumière du postulat que chacun doit avoir une résidence fiscale et qu’un individu peut avoir simultanément plus d’une résidence du point de vue fiscal.

 

[20]         La juge Lamarre a ensuite cité les propos du juge Rip dans la décision Snow c. La Reine, 2004 CCI 381 :

 

30        Comme l’a déclaré le juge Rip récemment dans la décision Snow v. Canada, [2004] T.C.J. no 267 (Q.L.), au paragraphe 18 :

 

18        Une personne peut être résidente de plus d’un pays à des fins fiscales. La nature de la vie d’une personne et la fréquence à laquelle elle vient au Canada sont des facteurs importants à prendre en compte pour décider du lieu de sa résidence. Les termes « résidait habituellement » employés au paragraphe 250(3) renvoient au lieu où, dans sa vie de tous les jours, la personne habite d’une manière normale ou habituelle. L’intention d’un contribuable, même si elle est manifestement pertinente pour déterminer quelle est sa « vie de tous les jours », ne permet pas à elle seule de trancher l’affaire. L’absence temporaire d’une personne du Canada n’entraîne pas nécessairement la perte de la résidence canadienne si le ménage familial demeure au Canada ou même, éventuellement, si des liens personnels ou commerciaux étroits sont maintenus au Canada.

 

[…]

 

32        Il est clair à la lumière du contrat de travail que l’appelant a reçu une affectation en Égypte pour laquelle il a même touché une prime à l’expatriation pendant toute la durée de son contrat. Le contrat prévoyait le transport par avion entre le lieu d’origine de l’appelant et son lieu de travail. L’appelant a conservé tous ses biens au Canada et, avant de quitter le territoire canadien, a pris tous les arrangements nécessaires afin que quelqu’un s’occupe de ces biens. Lorsqu’il a accepté son affectation en Égypte, son but n’était pas de rompre ses liens avec le Canada, mais principalement de gagner sa vie. L’appelant a accepté de se rendre en Égypte en vertu d’un contrat et n’a pas rompu ses liens avec le Canada. Il n’a pas abandonné, en pensée et en fait, son mode de vie habituel au Canada. De fait, la maison de Timmins est restée en tout temps disponible comme lieu où il pouvait vivre habituellement. Pour reprendre les termes du juge Rand dans l’arrêt Thomson, l’appelant et son épouse ont conservé leur mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d’intérêts et de convenances, au Canada. Si je peux établir une distinction entre le présent dossier et l’affaire Boston, je soulignerai que la durée du contrat ici était beaucoup plus courte et que l’appelant en l’espèce n’a pas montré qu’il était devenu actif dans la collectivité dans laquelle il vivait en Égypte. Il ne s’y trouvait que pour travailler. Finalement, la décision Boston a été prise en considération, mais n’a pas été suivie dans la décision McFadyen, qui a été confirmée par la Cour d’appel fédérale.

 

[21]         Dans la décision Mahmood c. La Reine, 2009 CCI 89, la Cour a décidé qu’un résident guyanais qui venait régulièrement au Canada mais qui n’était pas résident permanent était un non-résident, et ce, même s’il semblait exploiter une entreprise au Canada.

 

[22]         Dans la décision Filipek c. La Reine, 2008 CCI 351, le juge Miller a résumé les notions importantes sur la résidence au paragraphe 2 :

 

2          La jurisprudence a fourni bon nombre d’indications quant à ce que la Cour doit prendre en compte lorsqu’elle tranche des affaires portant sur la résidence. La Loi de l’impôt sur le revenu elle-même prévoit, au paragraphe 250(3), qu’une personne résidant au Canada vise aussi une personne qui, au moment considéré, résidait habituellement au Canada. De nombreuses décisions judiciaires ont été rendues sur le sens de l’expression « résidait habituellement » (voir par exemple Thomson v. Minister of National Revenue, Her Majesty the Queen v. Reeder, et Reed v. The Minister of National Revenue). Que nous disent ces décisions?

 

(i) Chaque personne a une résidence.

 

(ii) Une personne peut avoir simultanément plus d’une résidence du point de vue de la fiscalité.

 

(iii) La résidence est établie par la détermination dans l’espace des limites dans lesquelles une personne passe son temps ou du lieu où, dans sa vie de tous les jours, elle vit de manière régulière, normale ou habituelle.

 

(iv) Les facteurs à prendre en compte pour déterminer la résidence sont les liens avec le Canada à l’égard des biens, des placements, de l’emploi, de la famille, des affaires, de la vie culturelle, de la vie sociale — une liste non exhaustive.

 

 

Le bulletin d’interprétation IT‑221R3

 

Couper les liens avec le pays

 

[23]         Les tribunaux ont établi qu’un résident du Canada doit généralement couper ses liens avec le pays pour devenir un non-résident. Suivant l’ancienne politique de l’Agence du revenu du Canada, un contribuable qui quittait le Canada devait avoir l’intention de rester à l’étranger pour une période d’au moins deux ans pour être considéré comme un non-résident[2]. Dans la décision Peel c. Canada, [1995] 2 C.T.C. 2888 (CCI), la Cour canadienne de l’impôt a jugé que la règle de deux ans n’était pas fondée en droit. Depuis 2002, cette « règle » ne figure plus dans le nouveau bulletin IT‑221R3[3].

 

Liens significatifs et liens secondaires

 

[24]         Le nouveau bulletin IT‑221R3 (2002) énonce que les liens suivants sont « significatifs » pour déterminer le statut de résidence :

 

a) un ou ses lieux d’habitation,

 

b) un époux ou conjoint de fait,

 

c) des personnes à charge;

 

mais que les liens suivants constituent des liens secondaires :

 

a) des biens personnels au Canada (comme les meubles, les vêtements, les voitures et les véhicules récréatifs),

 

b) des liens sociaux (comme l’appartenance à une organisation récréative ou religieuse au Canada),

 

c) des liens économiques avec le Canada (comme un emploi, les affaires, les comptes de banque, les REÉR, les cartes de crédit, les comptes de titres),

 

d) le statut de résident permanent canadien ou les permis de travail,

 

e) la couverture d’assurance‑santé provinciale,

 

f) un permis de conduire canadien,

 

g) un véhicule immatriculé au Canada,

 

h) une maison de vacances ou une habitation en location au Canada,

 

i) un passeport canadien, et

 

j) l’appartenance à un syndicat canadien ou à un organisme professionnel.

 

[25]         Les autres liens de résidence, qui ont généralement une « importance limitée » sauf lorsqu’ils s’ajoutent à d’autres, comprennent une adresse postale au Canada, un casier postal, un coffre bancaire, des cartes professionnelles, un numéro de téléphone et un abonnement à des revues et journaux canadiens.

 

 

Décisions récentes

 

[26]         Dans la décision Perlman c. La Reine, 2010 CCI 658, le juge Boyle a conclu que si un contribuable n’a pas coupé ses liens avec le Canada, le fait qu’il étudie à l’étranger, même depuis 16 ans, n’a aucune importance.

 

[27]         Dans la décision Snow, précitée, le juge Rip a conclu que les liens de résidence n’avaient pas été rompus pour les raisons suivantes :

 

19        Dans la présente affaire, la contribuable a accepté une affectation d’une durée de deux ans au Belize. Elle peut fort bien avoir cru qu’elle ne reviendrait pas au Canada une fois son affectation terminée. Elle a conservé une résidence à Vancouver où son fils et sa famille habitaient. L’ensemble de ses intérêts bancaires et de ses autres intérêts financiers se trouvaient au Canada. Ses chèques de pension étaient déposés dans son compte bancaire canadien. Son courrier lui était toujours envoyé à Vancouver. Elle ne faisait tout simplement pas confiance au système bancaire et au service postal du Belize et elle n’avait nullement l’intention de résider de façon permanente dans ce pays. Elle trouvait commode que ces questions continuent d’être réglées au Canada.

 

20        Au Belize, Mme Snow vivait dans un appartement [TRADUCTION] « très modeste » comprenant deux chambres et les [TRADUCTION] « meubles essentiels ». Elle a signalé qu’elle [TRADUCTION] « ne pourrait vivre au Belize » pour une longue période.

 

[28]         Dans la décision Revah c. La Reine, 2004 CCI 312, le juge Rip a conclu que les liens avaient été suffisamment rompus pour que le contribuable soit devenu non‑résident :

 

28        Dans le présent litige, l’appelant résidait aux États-Unis et ne séjournait à Montréal que pour visiter de la famille une ou deux fois l’an. Lors de son témoignage, l’appelant n’a toutefois pas précisé la longueur de ses visites au Canada pendant les années d’imposition 1993 et 1994. L’appelant n’avait pas de résidence au Canada. L’appelant a effectivement coupé la grande majorité de ses liens avec le Canada. Il possède deux comptes bancaires au Canada, lesquels contiennent les sommes qu’il a accumulées dans le cadre d’allocations de pension et de REÉR. Il a fait des dons de charité à des organismes situés au Canada. Le fait que l’appelant avait plusieurs liens au Canada ne fait pas de l’appelant un résident canadien indéfiniment. Les liens que M. Revah possédaient avec les États‑Unis étaient encore plus importants que ceux qu’il possédait avec le Canada. Aux États-Unis, il y habitait de façon habituelle et c’est là qu’il détenait la plupart de ses biens. En 1992, l’appelant avait l’intention de quitter le Canada de façon permanente et en fait, il a quitté ce pays.

 

29        L’appelant ne résidait donc pas au Canada au cours des années d’imposition 1993 et 1994. L’appel est accueilli, avec dépens.

 

[29]         Dans la décision Barton c. La Reine, 2007 CCI 222, la juge Lamarre a jugé que le contribuable avait toujours de la famille, des relations sociales, des intérêts et des convenances au Canada :

 

20        Je suis d’avis que l’appelant a conservé son mode de vie habituel, avec sa famille et ses relations sociales, ses intérêts et autres convenances, au Canada. Ses enfants et son épouse vivaient tous au Canada; il avait une maison où il pouvait revenir au Canada; et il y est revenu très souvent, malgré le long trajet, pour vivre, autant que faire se peut, une vie familiale normale. Ses habitudes de vie ont continué d’être centralisées au Canada. Aussitôt qu’il a trouvé une occasion de travailler au Canada, il a accepté l’emploi qui lui a été offert, même si cela signifiait qu’il devait quitter un emploi sûr aux États-Unis. À l’exception de son régime de retraite aux États-Unis, la plupart de ses économies se trouvaient au Canada. Il n’a jamais renoncé à sa carte d’assurance-maladie canadienne ni à son permis de conduire canadien. Il a maintenu des liens personnels et économiques très étroits au Canada pendant toute cette période. Je conclus donc que l’appelant n’a jamais cessé de résider au Canada au cours de la période en question. La même conclusion de la Cour dans une situation semblable a été acceptée par la Cour d’appel fédérale dans Gaudreau c. La Reine, 2005 CAF 388.

 

[30]         Dans la décision Hauser c. La Reine, 2005 CCI 492, conf. par 2006 CAF 216, le juge Rip a conclu qu’un pilote d’Air Canada n’avait pas réellement « divorcé » du Canada à la suite de son déménagement aux Bahamas, pour les motifs suivants énoncés au paragraphe 58 :

 

Le Canada était l’aimant qui attirait les Hauser. Même après l’installation de leur résidence aux Bahamas, Monsieur et Madame Hauser, plus particulièrement M. Hauser, continuaient d’être présents au Canada. M. Hauser passait plus de un tiers de l’année au Canada, au cours de chaque année en cause. Air Canada exigeait à M. Hauser d’être au Canada pour prendre la commande d’avions; il devait se présenter au travail à l’aéroport Pearson et dans d’autres aéroports du Canada. La plupart des ses vols commençaient et se terminaient à l’aéroport Pearson. Sa formation s’est déroulée en grande partie à l’aéroport Pearson. L’aéroport Pearson faisait partie de la routine de sa vie. La présence de M. Hauser au Canada au cours des années en appel n’était pas de circonstance, occasionnelle, de passage, intermittente ou transitoire. Il se trouvait au Canada principalement parce qu’il était obligé de s’y trouver, pour gagner sa vie.

 

[31]         Dans la décision Yoon c. La Reine, 2005 CCI 366, le juge O’Connor a conclu que la contribuable avait des liens plus étroits avec la Corée, et ce, même si son époux résidait toujours au Canada. Les règles de départage énoncées dans la convention fiscale entre le Canada et la Corée prévoient qu’en cas de doute quant au « centre des intérêts vitaux » d’une personne, la personne est réputée résider dans le pays où elle séjourne le plus souvent. Le juge O’Connor a conclu ainsi :

 

41        Il ressort de la preuve qu’en 2001, Mme Yoon a passé plus de temps en Corée qu’au Canada. Par conséquent, son lieu de séjour habituel était en Corée et non au Canada. S’il s’avère impossible de déterminer le centre de ses intérêts vitaux, cet élément de départage dénote sans conteste que Mme Yoon était une résidente de la Corée cette année‑là.

 

[32]         Dans la décision Laurin c. la Reine, 2006 CCI 634, conf. par 2008 CAF 58, le juge en chef Bowman (tel était son titre à l’époque) a jugé que le contribuable, un pilote d’Air Canada, était devenu résident des îles Turks et Caïques. Il s’est exprimé en ces termes :

 

32        […] Tout d’abord, l’appelant a rompu ces liens. Il a rompu avec sa conjointe de fait, il s’est débarrassé de sa maison, de son automobile, de son permis et de son assurance maladie. Lorsqu’il venait au Canada, il habitait chez des amis, mais parce que ces derniers le voulaient bien. En outre, affirmer que l’intéressé personne n’a pas rompu ses liens de résidence avec un pays ne revient pas à dire qu’il y est résident. Les relations d’amitié et les liens d’emploi qui demeurent n’ont pas pour effet de créer un lien de résidence […].

 

[33]         Dans la décision Johnson c. La Reine, 2007 CCI 288[4], le juge Paris a conclu que l’appelant n’avait pas rompu ses liens de résidence avec le Canada lorsqu’il est allé travailler aux Émirats arabes unis avec sa femme en vertu d’un contrat de trois ans, car il avait conservé des liens avec le Canada, notamment ses maisons, qu’il avait louées, ses REÉR, son permis de conduire, ses cartes de crédit et ses placements composés d’actions canadiennes. Il s’est exprimé en ces termes :

 

42        Bien que l’appelant ait déclaré avoir eu l’intention de travailler dans les Émirats pendant au moins cinq ans, l’affectation n’était que de trois ans et elle a été interrompue dès que possible, après deux ans et trois mois. Le fait qu’il était prévu au contrat qu’à la fin de l’affectation, Mitel serait tenue de ramener l’appelant et sa femme au Canada et de faire tout son possible pour trouver un poste à l’appelant dans ses services au Canada, est aussi important.

 

43        Pendant toute la période passée dans les Émirats, l’appelant et sa femme ont conservé la propriété de leur maison de Parkmount Crescent, qui avait été la maison familiale pendant 20 ans. Même une fois acceptée l’affectation dans les Émirats, l’appelant et sa femme ont acheté une deuxième maison à Ottawa et l’ont désignée comme leur résidence principale.

 

[…]

 

47        Parmi les autres liens que l’appelant a conservés avec le Canada, notons son permis de conduire de l’Ontario, des cartes de crédit canadiennes et des placements en actions canadiennes.

 

48        Je reconnais avec l’avocat de l’appelant que le fait que ce dernier ait été au service d’un employeur canadien ne suffit pas en soi à établir la résidence, mais les conditions de l’emploi sont pertinentes. Dans ce cas, Mitel était tenue de ramener l’appelant et sa femme au Canada à la fin de l’affectation et d’essayer de trouver à l’appelant un poste équivalant dans les activités de la société au Canada.

 

49        Je conviens également que l’appelant n’avait de lien important avec aucun lieu autre que le Canada et les Émirats en 2001 et 2002, et que ses liens avec les Émirats n’étaient que temporaires. Les habitations où il a demeuré dans les Émirats étaient louées pour des périodes d’un an, son véhicule était loué, son affectation était de 36 mois, et il a préféré ne pas emporter avec lui la majeure partie de ses biens. Bien que l’appelant ait signalé être devenu membre de certains clubs dans les Émirats, rien ne permet d’affirmer qu’il avait payé des droits d’adhésion permanente à ces organisations.

 

50        Je suis d’accord avec l’intimée pour dire que les liens de l’appelant avec les Émirats étaient semblables à ceux établis par le contribuable de l’affaire Gaudreau v. The Queen en Égypte, liens qui ont été décrits par la juge Lamarre comme des liens contractés par le contribuable pendant son absence et qui devaient permettre, au contribuable et à son épouse, de jouir d’un mode de vie acceptable, auquel le contribuable s’attendait en Égypte, et qui ont disparu au retour au Canada. Comme dans la décision Gaudreau, les liens de l’appelant avec les Émirats ont complètement disparu au moment du retour au Canada.

 

51        Les liens de l’appelant avec le Canada étaient également de nature et de portée semblables à ceux maintenus par le contribuable en cause dans la décision McFadyen v. The Queen, 2000 D.T.C. 2473, pendant les trois années où ce contribuable a habité au Japon. Dans la décision McFadyen, la Cour a statué :

 

103      J’ai conclu que les liens de l’appelant avec le Canada durant la période de trois ans étaient importants.

 

104      De la manière dont je vois la preuve, l’appelant peut être considéré comme ayant accompagné sa conjointe dans une affectation temporaire à l’étranger. Il est revenu au Canada à trois occasions durant l’affectation de sa conjointe au Japon. Il avait maintenu avec sa conjointe deux comptes bancaires en commun au Canada, dont un était utilisé pour les paiements hypothécaires relatifs à un de leurs immeubles, tandis que l’autre était utilisé pour tout le reste, y compris pour les paiements hypothécaires relatifs à un autre immeuble. L’appelant était propriétaire de deux maisons au Canada et, à son retour au Canada, a occupé une de ces deux maisons comme résidence, après avoir donné aux locataires un avis de deux mois. Durant les années en cause, il avait maintenu à ses propres frais son affiliation professionnelle à l’association appelée « Association of Professional Engineers of Ontario ». Les faits suivants reflètent le caractère transitoire de l’affectation au Japon : l’appelant avait remisé au Canada de gros meubles et des appareils ménagers, avait gardé un coffre bancaire et avait maintenu un régime enregistré d’épargne-retraite, ainsi qu’une carte de crédit et un permis de conduire à jour de l’Ontario. Ces liens étaient surtout économiques, mais également personnels en partie.

 

105      La preuve étaye l’allégation selon laquelle l’appelant avait quitté le Canada pour le Japon avec l’intention de ne pas revenir, et j’accepte le témoignage de l’appelant voulant qu’il ait fait des efforts importants pour ne pas revenir. Toutefois, l’appelant avait maintenu les liens avec le Canada au cas où il reviendrait. Il est en fait revenu et a repris ses liens avec le Canada.

 

52        Comme dans l’affaire dont je suis saisi, aucun des contribuables en cause dans les décisions Gaudreau et McFadyen n’est rentré au Canada fréquemment au cours des années en question, mais chacun d’eux a été considéré comme un résident habituel du Canada. En outre, dans les deux cas, ces contribuables ont été à l’étranger pendant plus de trois ans, ce qui est plus long que la période passée à l’étranger par l’appelant en l’espèce. Et dans les deux cas, la décision selon laquelle ils étaient des résidents habituels du Canada pendant leurs années passées à l’étranger a été maintenue par la Cour d’appel fédérale.

 

[34]         Dans la décision Mullen c. La Reine, 2008 CCI 294, la juge Sheridan a conclu que le contribuable avait conservé une maison qui était au nom de son fils, un compte bancaire et sa participation au régime d’assurance-santé au Canada, de sorte qu’il n’avait pas rompu suffisamment ses liens de résidence. Elle fait remarquer qu’« il n’est pas facile de cesser d’être un résident du Canada » en ces termes :

 

17        Ces décisions permettent de comprendre qu’il n’est pas facile de cesser d’être un résident du Canada. Tout comme les contribuables dont les appels ont échoué dans McFadyen et dans Johnson, l’appelant s’était départi de sa résidence principale et de ses véhicules. Il avait l’intention de continuer de travailler en permanence à l’extérieur du Canada. Il a déployé des efforts pour faire de cette intention une réalité. Il s’est assuré d’avoir une couverture d’assurance maladie à l’extérieur de l’Ontario. Sauf en 1998, l’appelant s’est rarement rendu au Canada. Ces efforts ne sont pas suffisants en eux-mêmes pour démontrer qu’il avait rompu ses liens avec le Canada. À mon avis, l’importance de ces efforts est minée par l’existence des faits supplémentaires que je décrirai ci-après.

 

18        Le 2 mars 1998, l’emploi qu’exerçait l’appelant en Chine a pris fin. Peu importe que l’appelant ait pris sa retraite ou non, il n’a pas trouvé d’emploi en Chine ou en Thaïlande par la suite. L’appelant n’avait pas d’emploi à l’étranger ayant pour effet d’atténuer les liens qu’il pouvait avoir avec le Canada. À divers moments, l’appelant avait des comptes bancaires à New York, en Malaisie et à Singapour. Il n’a jamais ouvert de compte bancaire en Thaïlande, un choix qu’il a fait à la lumière de sa compréhension des incidences fiscales de cette décision. L’appelant détenait aussi une panoplie de cartes de crédit provenant de diverses banques étrangères. En revanche, l’appelant a toujours conservé son compte bancaire et sa carte de crédit Visa à la Banque Royale du Canada, et ce, peu importe le pays où il se trouvait. Il ne m’a pas convaincue en affirmant qu’il avait seulement conservé cette carte pour profiter des [TRADUCTION] « points » s’y rattachant. Le droit qu’avait l’appelant de conduire ailleurs qu’au Canada dépendait de sa preuve de détention d’un permis de conduire de l’Ontario valide. Lorsque l’appelant était en Thaïlande, il se servait de véhicules de location, alors qu’il a acheté une voiture lorsqu’il était au Canada. Bien qu’il ait finalement cédé son droit de propriété à la voiture à la société de portefeuille de la famille, il a continué de pouvoir s’en servir. Même s’il souscrivait une assurance maladie privée lorsqu’il voyageait à l’étranger, il a toujours maintenu sa participation au régime d’assurance-santé de l’Ontario. Le fait que l’appelant ait souscrit une assurance maladie privée ne lui est pas d’un très grand secours, car même le voyageur le plus occasionnel souscrirait probablement une assurance maladie additionnelle pour un séjour à l’étranger. L’appelant et son épouse n’avaient apporté que des effets personnels en Chine et en Thaïlande; après avoir vendu leur résidence principale, tous leurs biens importants se trouvaient dans l’habitation de Belleville.

 

[35]         Dans la décision Filipek, précitée, le juge Miller n’a pas prêté foi au témoignage du pilote d’Air Canada et a conclu qu’il n’avait pas cessé d’être résident du Canada, pour les motifs suivants énoncés au paragraphe 33 :

 

[…] Je conclus que sa vie de tous les jours, en tant que pilote d’Air Canada travaillant à partir de Vancouver, était en fait centralisée à Vancouver. Ses affaires bancaires, le temps passé dans la région, sa relation continue avec sa belle-famille, ses engagements financiers envers eux et envers sa propre famille, associés à son témoignage contradictoire et vague quant à ce qu’il faisait vraiment pendant qu’il passait bien au-delà de 100 jours par année à Vancouver m’amènent à conclure que sa vie de tous les jours était principalement à Vancouver. Je reconnais qu’il n’a pas sa propre maison ou une résidence physique au Canada et, bien que cela soit troublant, ce n’est pas fatal quant à une conclusion selon laquelle il peut encore être un résident du Canada. S’il est nécessaire d’avoir un tel espace physique, je peux sans difficulté conclure qu’il avait facilement accès à la maison de sa belle‑famille, et en fait qu’il se fiait effectivement à cet accès.

 

[36]         Dans Song c. La Reine, no 2008-733(IT)I, 14 janvier 2009 (CCI), conf. par 2009 CAF 278, demande d’autorisation d’appel rejetée, [2009] C.S.C.R. no 492 (QL) (CSC), le juge Paris a conclu que le cadre de vie habituel de la contribuable (notamment sa maison, ses enfants, ses biens et ses liens sociaux) se trouvait au Japon et ce, même si son époux résidait au Canada.

 

[TRADUCTION]

 

[...] Il est vrai que son époux est resté au Canada après le 3 avril 2006, et que le train de vie établi de celui‑ci se trouvait dans notre pays. Cela constitue un lien important avec le Canada mais, à mon avis, la nature permanente des liens de l’appelante avec le Japon au cours de cette période a plus de poids. Elle y avait une résidence toute l’année, et ses enfants y allaient à l’école et à la garderie. Presque tous ses enfants et ses biens se trouvaient au Japon, ses liens économiques étaient presque exclusivement avec le Japon, et ses liens sociaux étaient soit au Japon, soit en Chine.

 

Au contraire, elle n’avait pas au Canada de résidence pour elle‑même et pour ses enfants. Son époux habitait une maison en rangée de deux chambres à coucher qu’il partageait avec des colocataires, auxquels on demandait de quitter afin que l’appelante et les enfants puissent rester avec l’époux lorsqu’ils le visitaient. Eu égard à l’ensemble de la preuve, je conclus que les visites de l’appelante au Canada ne font pas qu’elle résidait habituellement ou normalement au Canada en 2006 et en 2007. Du mois d’avril 2006 au mois de septembre 2008, elle a passé moins de 10 p. 100 de son temps au Canada, et on ne peut dire qu’elle avait elle‑même établi des liens importants avec le Canada autres que le fait que son époux habitait ici.

 

Je ne suis pas d’accord que l’appelante ait eu des liens plus étroits avec le Canada qu’avec le Japon au cours de la période en cause. Il est vrai qu’elle prévoyait quitter le Japon et habiter le Canada en permanence, mais cela ne devait avoir lieu qu’en 2008. Entre‑temps, le centre de sa vie quotidienne se trouvait au Japon, où elle avait commencé des études en 2001, ou vers 2001, et où elle s’occupait de ses trois enfants. Ses voyages au Canada étaient irréguliers, et ils étaient plus ou moins aussi nombreux et aussi longs que les voyages de son époux au Japon pendant ces années. Cela ne suffit pas pour qu’elle soit résidente du Canada.

 

[37]         Dans la décision Bensouilah c. La Reine, 2009 CCI 440[5], l’appelant, qui était citoyen de l’Arabie saoudite et du Canada, travaillait en Arabie saoudite alors que sa famille restait au Canada. Il avait conservé sa maison au Canada. Le juge Angers a conclu que les liens n’avaient pas été rompus.

 

[38]         Dans la décision Denisov c. La Reine, 2010 CCI 101, le juge Angers a conclu que l’appelant résidait au Canada et non pas en Russie parce qu’il n’avait pas réussi à établir, pour l’application de l’article 4 de l’accord fiscal entre le Canada et la Russie, qu’il faisait l’objet d’un assujettissement fiscal complet en Russie, puisque sa femme, sa maison et ses biens personnels se trouvaient au Canada.

 

[39]         En l’espèce, la preuve a révélé que la rupture du lien avec le Canada avait eu lieu en janvier 2007. La preuve a aussi établi que la rupture a suivi une longue réflexion qui a commencé lorsque l’appelant a vécu éloigné de sa famille la première fois, lorsqu’il a travaillé à Montréal pendant environ un an, et ensuite lors d’un long séjour en Chine.

 

 

Analyse

 

[40]         Le principal argument de l’intimée est que toute personne doit avoir une résidence. En tenant pour acquis que l’appelant n’avait pas résidé au Qatar, elle a conclu qu’il devait nécessairement résider au Canada.

 

[41]         Après être arrivée à cette conclusion, elle s’est appuyée sur les faits suivants :

 

·        L’appelant est venu au Canada à quelques occasions.

 

·        L’appelant avait au Canada deux comptes bancaires par lesquels passaient tous les paiements, notamment ceux payés par carte de crédit, laquelle avait également été émise au Canada.

 

·        L’appelant détenait un montant dans un REÉR.

 

·        L’appelant n’avait pas d’adresse postale au Qatar.

 

[42]         Quant aux autres éléments, par exemple, l’absence d’un permis de conduire, l’absence de biens tels que des meubles, des vêtements, un logement ou des voitures, ou l’absence d’une carte d’assurance‑maladie, l’intimée soutient que leur portée est neutre.

 

[43]         La preuve a clairement établi que la décision de l’appelant découlait d’une longue réflexion. La preuve a aussi démontré que l’appelant n’avait aucune racine profonde et qu’il n’a pas hésité à partir lorsque son fils malade lui a permis de le faire sans regret.

 

[44]          Les liens avec son épouse étaient tendus au point qu’ils ne faisaient que se tolérer, parce qu’ils se préoccupaient tous deux de leur fils malade.

 

[45]         L’appelant avait alors un très bon emploi. Il ne voulait pas fuir ses obligations. Il a donné tous ses biens avant son départ et a accepté de verser une pension alimentaire généreuse avant de quitter; il a par la suite toujours respecté ses engagements. Il a renoncé à demander un nouveau permis de conduire lorsque le sien a été suspendu, et ce, bien que la preuve ait démontré qu’il était important qu’il puisse se servir d’une voiture, notamment s’il voulait obtenir un permis de conduire international, ou tout simplement un permis de conduire du pays où il vivait.

 

[46]         Il a expressément renoncé à sa carte d’assurance-maladie à compter de 2008.

 

[47]         Pour ce qui est du début de la période visée par l’appel, soit le début de l’année 2007, il faut tenir compte du fait qu’une personne raisonnable serait prudente. À cet égard, l’appelant a affirmé qu’il ne pouvait obtenir un permis de travail que si un examen médical montrait qu’il était en bonne santé, faute de quoi il devait revenir dans son pays d’origine. Il en est également ainsi de l’emploi, dont la durée dépend généralement de l’employeur et non de l’employé.

 

[48]         En d’autres termes, il est normal qu’il y ait un délai raisonnable avant la rupture définitive.

 

[49]          Cela explique le délai entre le début de la période en cause et le moment où l’appelant a renoncé à l’assurance-maladie.

 

[50]         Pour ce qui est de l’argument voulant que l’appelant n’ait jamais eu de résidence au Qatar, je ne crois pas qu’il soit valable, puisque l’appelant avait un emploi et une résidence. Le grand intérêt que l’appelant avait à rester au Qatar est prouvé par les cours exigeants qu’il a suivis pour obtenir un permis de conduire alors qu’il pouvait voyager avec des collègues, bien qu’il ait renoncé à son permis de conduire au Canada. Après la fin de son emploi au Qatar, l’appelant est retourné dans ce pays pour revoir les personnes avec lesquelles il avait travaillé et le travail qu’il avait effectué.

 

[51]         Je retiens notamment les faits suivants pour conclure que la prépondérance de la preuve appuie la thèse de l’appelant.

 

·        Le contexte familial était particulier et propice à un départ définitif.

 

·        L’appelant a quitté après avoir disposé de tous ses biens personnels.

 

·        L’appelant avait renoncé à son droit d’obtenir un nouveau permis de conduire quelques mois avant de quitter le Canada.

 

·        Les retours de l’appelant au Canada ont été peu nombreux et très courts, et avaient pour but de visiter ses deux fils, sa mère et des amis.

 

·        Après avoir quitté le Qatar à l’expiration de son contrat de travail, l’appelant y est retourné pour rencontrer des amis et des connaissances d’affaires, démontrant ainsi qu’il y avait connu un bien‑être certain.

 

·        La rupture a été précédée d’une réflexion longue et soutenue.

 

·        L’appelant a mis en place tous les éléments démontrant l’intention de procéder à la rupture définitive.

 

·        Bien que la pertinence des faits postérieurs soit limitée, ils confirment que l’appelant avait rompu ses liens avec le Canada à la mi‑janvier 2007.

 

·        Finalement, je suis d’avis que les décisions que j’ai citées étayent ma conclusion. Il en est également ainsi du bulletin d’interprétation IT‑221R3.

 

[52]         Pour toutes ces raisons, je conclus que l’appelant a cessé d’être résident du Canada à compter du 13 janvier 2007; conséquemment, l’appel est accueilli avec dépens en faveur de ce dernier.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d’août 2011.

 

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 357

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2010-1756(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              DENIS HAMEL c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 9 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge Alain Tardif

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 24 août 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me André Lareau

 

 

Avocate de l’intimée :

Me Marielle Thériault

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                       Nom :                          Me André Lareau

                   Cabinet :                         Joli-Coeur Lacasse S.E.N.C.R.L.

                       Ville :                          Québec (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] Voir l’article de Paul Lefebvre, « Le pouvoir d’imposition du Canada : la résidence et l’arrêt Thomson 60 ans plus tard », (2006) 54 : 3 Revue fiscale canadienne 781-801.

[2] Voir l’ancien bulletin IT-221R2, Détermination du statut de résident d’un particulier, au paragraphe 4.

[3] Le bulletin d’interprétation IT-221R3, Détermination du statut de résident d’un particulier (2002), est reproduit à l’annexe A.

 

[4] Cette décision est reproduite à l’annexe B.

 

[5] Cette décision récente est reproduite à l’annexe C et elle résume bien les principes établis par la jurisprudence.

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